mardi 10 novembre 2020

degré XXIX, IX

 

LestvitsaSi le dernier comble de l'intempérance consiste à se faire violence pour manger et boire, quand on est parfaitement rassasié, la perfection de la tempérance et de la sobriété consiste à se priver de manger et de boire, lorsqu'on en a un très grand besoin; or une âme ne parvient à ce degré de vertu que par la puissance et l'autorité qu'elle a prises sur les appétits et les inclinations du corps.
Si le plus exécrable des excès auquel la luxure puisse porter l'homme qu'elle tient dans son honteux esclavage, est de chercher à contenter sa passion avec des bêtes et des objets inanimés, le plus haut degré de la chasteté est de n'être pas plus touché ni ému par les créatures animées que par celles qui ne le sont pas.
Si le dernier terme de l'avarice consiste à ne jamais cesser de travailler pour augmenter les richesses que l'on possède déjà et à ne jamais savoir se contenter, assurément la preuve la plus frappante qu'on aime et qu'on pratique la pauvreté, doit être de ne pas même épargner son propre corps.
Se croire dans un état doux et tranquille au milieu des afflictions les plus cruelles, sera la preuve de la plus héroïque patience.
Le comble de la fureur et de la colère est bien certainement de se livrer aux emportements, lorsqu'on est seul; le comble de la douceur et de la modération doit donc être de demeurer dans le calme, soit en l'absence, soit en la présence des calomniateurs.
Si le dernier degré du délire auquel puisse faire arriver la vaine gloire consiste à penser et à croire qu'on mérite d'être loué, et qu'on reçoit des louanges que personne ne donne ni ne peut donner; la marque la plus sûre qu'on a foulé aux pieds tout sentiment de vanité, c'est de ne pas en éprouver le plus léger mouvement au milieu même des éloges qu'on nous donne pour les bonnes œuvres que nous avons eu le bonheur de pratiquer.
Si le vrai caractère de l'orgueil, cette maudite peste des âmes, est de nous faire élever au-dessus des autres, quelque vils et méprisables que nous soyons, ne faut-il pas convenir que le caractère essentiel de l'humilité, cette mère féconde des vertus, consiste à conserver des sentiments d'abjection et de mépris pour soi-même au milieu des plus grandes entreprises et des actions les plus honorables et les plus éclatantes ?
Si c'est un témoignage irréfragable qu'on est esclave de toutes les passions, quand, sans aucune résistance, on succombe à toutes les tentations du démon, c'est, à mon avis, une marque certaine qu'il est parvenu à la bienheureuse paix de l'âme l'homme qui peut dire ouvertement avec David : «Je ne connaissais pas le méchant qui s'éloignait de moi» (cf. Ps 100, 4), et ajouter : «Je ne sais ni comment ni pourquoi il est venu, ni comment il s'est retiré ; car étant uni à mon Dieu par des liens si forts qu'ils ne me permettront pas de me séparer de Lui, je suis insensible à toutes ces choses et à d'autres semblables.»

saint Jean Climaque : L'Échelle sainte
« Du ciel terrestre, c'est-à-dire de la paix de l'âme, qui la rend semblable à Dieu en la perfectionnant et en lui procurant la résurrection avant la résurrection générale » (О земном небе, или о богоподражательном бесстрастии и совершенстве, и воскресении души прежде общего воскресения/ XXIX

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