Un autre de ces hommes dignes d'une éternelle mémoire, qui avait pour
moi beaucoup d'affection dans le Seigneur et me parlait très librement,
me dit un jour avec bienveillance : « Si tu as en toi, très sage, la
force qui agissait en celui qui a dit dans le sentiment de son âme : “Je
peux tout en Celui qui me fortifie” ; si l'Esprit Saint est
descendu sur toi, telle une rosée de pureté, comme jadis sur la Vierge;
si la vertu du Très-Haut te couvre de l'ombre de la patience, alors
ceins tes reins, comme l'Homme — le Christ-Dieu — du linge de
l'obéissance; lève-toi de la cène de l'hésychia, lave les pieds des
frères avec un esprit brisé; ou plutôt mets-toi sous les pieds de toute
la communauté dans une pensée d'abaissement. Place à la porte de ton cœur des gardes sévères et vigilants. Maintiens ton esprit immobile
dans un corps tiraillé. Pratique intérieurement l'hésychia dans des
membres qui se meuvent et s'agitent. Et ce qui est le plus paradoxal,
garde une âme impavide dans le tumulte, jugule ta langue furieusement
portée aux disputes. Lutte contre ce despote soixante-dix fois par jour.
Fixe ton esprit à ton âme comme au bois d'une croix, de telle manière
qu'il puisse être frappé comme une enclume par les coups redoublés du
marteau, moqué, injurié, bafoué, maltraité, sans en être le moins du
monde écrasé ou brisé, mais, à travers tout cela, toujours paisible
et immobile. Dépouille-toi de ta volonté comme d'un vêtement
d'ignominie, et entre nu sur le terrain d'entraînement, ce qui ne se
rencontre que rarement et difficilement. Revêts-toi de la cuirasse de la
confiance envers celui qui préside à ton combat et ne la laisse ni
briser ni entamer par aucun doute. Réprime par le frein de la tempérance
l'ardeur impudente du toucher. Jugule, par la méditation de la mort,
tes yeux qui, à toute heure, recherchent curieusement la grandeur et la
beauté des corps. Bâillonne par le souci de toi-même ton esprit trop
occupé de ce qui ne le concerne pas et enclin, malgré sa propre
négligence, à condamner ton frère, et cela en manifestant effectivement
toute la charité et la compassion possibles à ton prochain. À cela tous
connaîtront, très cher Père, que nous sommes les disciples du Christ, si
dans notre vie de communauté nous avons de la charité les uns pour les
autres.
«Allons, allons, me disait cet excellent ami, viens
demeurer avec nous, et bois à toute heure le mépris comme une eau vive.
David en effet, après avoir fait l'expérience de tous les plaisirs
possibles sous le ciel, se demande finalement avec perplexité : “Voyons,
qu'y a-t-il de bon et d'agréable? Rien, répond-il, sinon d'habiter en
frères tous ensemble”. Mais si ce bien d'une telle patience et d'une
telle obéissance ne nous a pas encore été accordé, alors il nous est
préférable, ayant du moins pris conscience de notre propre faiblesse, de
vivre à l'écart de ce stade réservé aux athlètes, en proclamant
bienheureux ceux qui combattent et en priant que leur soit accordée la
patience.»
Je fus conquis par les bonnes paroles de cet excellent père
et maître, qui m'avait combattu avec les armes de l'Évangile et des
prophètes, ou plutôt de son amitié; et sans hésiter, j'acceptai de
donner le premier rang à la bienheureuse obéissance. Et maintenant,
après avoir encore évoqué pour votre profit la vertu unique de ces
bienheureux pères, il va me falloir comme sortir du Paradis et revenir à
mon propre bouquet d'épines sans beauté ni utilité.
mardi 22 juin 2021
degré IV, XL
« De la bienheureuse et toujours louable Obéissance » (О блаженном и приснопамятном послушании)
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