mardi 21 septembre 2021

degré IV, CXXI

Lestvitsa Histoire de Jean le Sabaïte, ou d'Antiochus

Un autre moine de ce même monastère d'Asie, me dit-il, devint le disciple d'un solitaire doux, conciliant et calme. Voyant que l'ancien lui témoignait du respect et lui accordait du soulagement, il estima avec juste raison qu'une telle conduite risquait d'être fatale à plus d'un, et il supplia l'ancien de le laisser partir ; comme ce vieillard avait un autre disciple, cela ne devait pas trop l'affliger. Il le quitta donc, et, muni d'une lettre de son maître, il alla se fixer dans un monastère cénobitique du Pont. La première nuit après son entrée dans ce monastère, il se vit dans son sommeil en train de rendre ses comptes à plusieurs personnes, et à l'issue de ce terrible examen, il s'était trouvé en déficit et redevable de cent livres d'or. À son réveil, il se mit à réfléchir sur ce qu'il avait vu, et il se dit : « Pauvre Antiochus — c'était son nom —, vraiment, tu es loin d'avoir de quoi acquitter ta dette ! » Et il ajouta : «Je passai trois ans dans ce monastère, dans une obéissance sans discernement, traité sans égard et accablé d'exigences par tous en tant qu'étranger, car il n'y avait là aucun autre moine étranger. Je vis de nouveau dans mon sommeil quelqu'un qui me donnait un reçu de dix livres sur ma dette. A mon réveil, je me mis à réfléchir à ce songe et je me dis : « Seulement dix ? Quand donc aurai-je fini d'acquitter le reste ! » Alors je me dis en moi-même : « Pauvre Antiochus ! il va te falloir des travaux et des humiliations qui dépassent l'ordinaire ! » À partir de ce moment, je me mis à simuler la folie, sans cependant négliger aucunement mon service. Quand ces pères impitoyables me virent en cet état, et plein de bonne volonté, ils me chargèrent de tout le travail pénible du monastère. « Je vécus ainsi encore treize ans. Puis je vis de nouveau venir à moi durant mon sommeil ceux que j'avais déjà vus ; ils me remirent alors un acquit complet de ma dette. Aussi, quand les pères du monastère m'affligeaient en quelque chose, je repensais à ma dette et le supportais avec courage. » Voilà, père Jean, ce que le très sage Jean m'a raconté comme s'il s'agissait d'un autre. Et c'est pour cela qu'il avait changé son nom pour celui d'Antiochus. Mais en fait c'est bien lui qui, par son endurance et son courage, déchira la cédule de sa dette.

« De la bienheureuse et toujours louable Obéissance » (О блаженном и приснопамятном послушании)

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