Et cette langue véridique me raconta ceci : « Il y a une dizaine
d'années, j'avais ici un frère plein de zèle et tellement travailleur
que, le voyant dans une pareille ferveur d'esprit, je tremblais pour
lui, redoutant grandement l'envie du démon : je craignais de le voir
trébucher en heurtant du pied quelque pierre tandis qu'il poursuivait
si vite sa course, comme il arrive d'ordinaire à ceux qui marchent
rapidement. Et c'est ce qui arriva. Il vint me trouver un soir, très
tard, me montra sa plaie à nu, réclama le remède, me demandant
d'appliquer le cautère. Il était bouleversé. Mais voyant que le médecin
n'était pas disposé à user d'un remède trop énergique — car il était
digne de compassion — il se prosterna à terre, me saisit les pieds, les
baignant de ses larmes, et me conjura de le condamner à la prison que tu
as vue. “Il est impossible, s'écria-t-il, que je n'y aille pas! C'est
impossible!” En fin de compte, chose rare et bien extraordinaire chez un
malade, il contraignit son médecin à changer sa douceur en sévérité. Il
alla rejoindre en grande hâte les pénitents, et, partageant leur componction, devint leur compagnon zélé. Le chagrin que lui causait son
amour pour Dieu lui transperça le cœur comme une épée, et le huitième
jour, il s'en alla vers le Seigneur, demandant qu'on le privât de
sépulture. Mais je l'ai ramené ici et l'ai fait ensevelir avec les
Pères, comme il le méritait. Après une semaine de servitude en effet, le
huitième jour il recouvrait la liberté. Et quelqu'un l'a su avec
certitude : avant même de s'être relevé, alors qu'il était encore à mes
pieds indignes et souillés, Dieu lui avait déjà rendu sa faveur. À cela
rien d'étonnant : il avait reçu en son cœur la foi de la pécheresse de
l'Évangile, et, avec la même plénitude de confiance, il avait arrosé mes
misérables pieds : “Tout est possible à celui qui croit”, dit le
Seigneur. J'ai vu des âmes impures qui se livraient avec fureur à
l'amour charnel; leur expérience de cet amour les ayant amenées au
repentir, elles reportèrent tout leur amour sur le Seigneur; surmontant
alors toute crainte, elles s'aiguillonnaient insatiablement à aimer
Dieu. C'est pourquoi le Seigneur, parlant de cette chaste pécheresse, ne
dit pas qu'elle a craint, mais qu'elle a beaucoup aimé, et qu'elle a pu facilement chasser l'amour par l'amour. »
mercredi 1 décembre 2021
degré V, XXVIII
« De la véritable et sincère Pénitence » (О попечительном и действительном покаянии и также о житии святых осужденников, и о темнице)
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