mercredi 1 décembre 2021

degré V, XXVIII

Lestvitsa Et cette langue véridique me raconta ceci : « Il y a une dizaine d'années, j'avais ici un frère plein de zèle et tellement travailleur que, le voyant dans une pareille ferveur d'esprit, je tremblais pour lui, redoutant grandement l'envie du démon : je craignais de le voir trébucher en heurtant du pied quelque pierre tandis qu'il poursuivait si vite sa course, comme il arrive d'ordinaire à ceux qui marchent rapidement. Et c'est ce qui arriva. Il vint me trouver un soir, très tard, me montra sa plaie à nu, réclama le remède, me demandant d'appliquer le cautère. Il était bouleversé. Mais voyant que le médecin n'était pas disposé à user d'un remède trop énergique — car il était digne de compassion — il se prosterna à terre, me saisit les pieds, les baignant de ses larmes, et me conjura de le condamner à la prison que tu as vue. “Il est impossible, s'écria-t-il, que je n'y aille pas! C'est impossible!” En fin de compte, chose rare et bien extraordinaire chez un malade, il contraignit son médecin à changer sa douceur en sévérité. Il alla rejoindre en grande hâte les pénitents, et, partageant leur componction, devint leur compagnon zélé. Le chagrin que lui causait son amour pour Dieu lui transperça le cœur comme une épée, et le huitième jour, il s'en alla vers le Seigneur, demandant qu'on le privât de sépulture. Mais je l'ai ramené ici et l'ai fait ensevelir avec les Pères, comme il le méritait. Après une semaine de servitude en effet, le huitième jour il recouvrait la liberté. Et quelqu'un l'a su avec certitude : avant même de s'être relevé, alors qu'il était encore à mes pieds indignes et souillés, Dieu lui avait déjà rendu sa faveur. À cela rien d'étonnant : il avait reçu en son cœur la foi de la pécheresse de l'Évangile, et, avec la même plénitude de confiance, il avait arrosé mes misérables pieds : “Tout est possible à celui qui croit”, dit le Seigneur. J'ai vu des âmes impures qui se livraient avec fureur à l'amour charnel; leur expérience de cet amour les ayant amenées au repentir, elles reportèrent tout leur amour sur le Seigneur; surmontant alors toute crainte, elles s'aiguillonnaient insatiablement à aimer Dieu. C'est pourquoi le Seigneur, parlant de cette chaste pécheresse, ne dit pas qu'elle a craint, mais qu'elle a beaucoup aimé, et qu'elle a pu facilement chasser l'amour par l'amour. »

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