De nouveau voici les rayons des grandes surfaces, et donc conséquemment les maisons et les rues, voire certains bâtiments publics, envahis par l’orange des potirons, le blanc des crânes et des tibias, le rouge du faux sang et le noir des sorcières araignées et chauves-souris, sans oublier le vert des zombies. Il manque juste une touche de bleu couleur de ciel. On peut s’indigner… et puis ? Nous savons que la plupart de ceux qui fêtent Halloween [« la veille de tous les saints » en vieil anglais] n’y croient pas plus qu’aux contes de fée, et que les occasions de faire la fête ne peuvent pas se limiter au 14 juillet, aux finales de foot et aux fêtes chrétiennes. Sans doute la Toussaint est-elle une christianisation de Samain et des fêtes des morts, de ce moment au creux de l’automne ou dans le brouillard monde des vivants et des morts semblent poreux l’un à l’autre. Qui récupère qui… Peu importe. On invente rarement du neuf. Mais on peut donner un autre sens aux fêtes communes.
Plutôt que de vilipender ou d’ignorer Halloween, on peut en profiter pour réfléchir à notre foi. L’imaginaire d’Halloween laisse supposer qu’il y a une sorte de vie au-delà de la mort. Mais est-ce une vie ou une « survie », une sorte d’écho allant en s’affaiblissant de ce que nous fûmes sur terre ? Une sorte d’attachement à nos amours et à nos haines terrestres, ou de chaîne (Aaah ! Les chaines des fantômes!) faisant qu’on est indéfiniment lié à tel lieu, tel événement. Un emmurement éternel dans une tombe dont on s’évaderait une fois l’an… D’où peut-être une partie des crémations, pour échapper à ce qui semble plus une malédiction qu’autre chose.
Si Halloween signifie « la veille de la Toussaint », on peut l’imaginer remplir la fameuse « fonction apotropaïque » (ça y est, j’ai réussi à le caser) qu’on attribue aux gargouilles et autres monstres à l’extérieur des églises (voir l’Épine par exemple) : mieux exposer le mal pour mieux l’exorciser et le laisser à l’extérieur. On médite sur ce que pourrait être, ce qu’aurait pu être, ce qu’est peut-être aux yeux des autres, leur vision de la mort et de l’au-delà, mais c’est pour mieux mesurer la Bonne nouvelle à laquelle nous croyons.
S’il y a un au-delà, ce en quoi nous croyons fermement, c’est un « au-delà de la mort » où nous sommes déliés de toutes corruptions et de tous enfermements possibles. Ce n’est pas une lente décomposition, mais un décapage tel qu’aucun germe de corruption n’adhère à notre être. C’est un développement à l’infini, en Dieu, ce qui fut vrai, beau et bon en nos existences. Et la Toussaint est cette formidable espérance qu’en chacun, il y a une touche de ce beau, bon, vrai, qui est la marque de la sainteté, le chemin vers la Vie.
Abbé Jacques Wersinger, 2022, Châlons.
Une des gargouilles de la basilique Notre-Dame de l'Épine, près de Châlons-en-Champagne.
Et aussi une Émission intéressante du même Abbé Jacques Wersinger du 31/03/2022 (avec une "journaliste?" particulièrement minable) : réflexions d'un catholique sur L'ÉGLISE ORTHODOXE
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